Rabu, 05 Februari 2020

Le Rêve mexicain ou La Pensée interrompue

Category: Livres,Romans et littérature,Littérature française

Le Rêve mexicain ou La Pensée interrompue Details

Au cours du mois de mars 1517, les ambassadeurs de Moctezuma, seigneur de Mexico-Tenochtitlan, accueillent le navire de Hernán Cortès et cette rencontre initie une des plus terribles aventures du monde, qui s'achève par l'abolition de la civilisation indienne du Mexique, de sa pensée, de sa foi, de son art, de son savoir, de ses lois.De ce choc des mondes vont naître des siècles de colonisation, c'est-à-dire, grâce à la force de travail des esclaves et à l'exploitaion des métaux précieux, cette hégémonie de l'Occident sur le reste du monde, qui dure encore aujourd'hui. Alors commence le rêve, comme un doute, comme un regret, qui unit les vainqueurs et les vaincus à la beauté et aux forces secrètes du Mexique. Rêve du soldat Bernal Díaz del Castillo, témoin des derniers instants du règne orgueilleux des Aztèques, rêve de Bernardino de Sahagun devant les ruines de la civilisation et la splendeur des rites et des mythes qui s'effacent. Rêve qui s'achève dans la mort des dernières nations nomades du nord et du nord-ouest, rêve que poursuit Antonin Artaud, jusque dans la Montagne des Signes, au pays des Indiens Tarahumaras. Le rêve mexicain, c'est cette question aussi que notre civilisation actuelle rend plus urgente : qu'aurait été notre monde, s'il n'y avait eu cette destruction, ce silence des peuples indiens ? Si la violence du monde moderne n'avait pas aboli cette magie, cette lumière ?

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Que serait le monde aujourd'hui si Cortès n'avait pas conquis le Nouveau Monde au XVI ème siècle ? s'interroge Le Clézio en reprenant les écrits de Bernal Diaz del Castillo dans Histoire véridique de la conquête de la Nouvelle Espagne pour analyser la confrontation entre deux mondes : « D'un côté le monde individualiste et possessif de Hernan Cortès ; de l'autre, le monde collectif et magique des Indiens; d'un côté, le rêve signifiant l'individualité de la foi dans un rapport immédiat avec l'au-delà , de l'autre, les structures hiérarchisées de l'?glise des missionnaires chrétiens ; la magie et les dieux d'un côté, l'or et la pensée rationnelle de l'autre.» Cela ne pouvait donc être que la chronique d'une mort annoncée, celle d'un peuple obnubilé par l'astrologie, croyance aveugle aboutissant à un malentendu, car ces dieux annoncés par leurs prophéties n'étaient venus que pour l'or. Cet or, fondu en barres, puis envoyés en Espagne, va servir à cautionner, à financer de nouvelles expéditions vers le Nouveau Monde. L'or est un pacte avec la destinée, puisque ce sont les Indiens eux-mêmes qui fournissent à leurs conquérants la monnaie qui achètera leur extermination. Comment eussent-ils pu le savoir ? L'or est l'âme même de la Conquête, son vrai Dieu, comme le dit Las Casas. Il est aussi sa monnaie de songe, et la rapine insatiable des Conquérants ne fait qu'annoncer le commencement du vertige moderne. » Le Clézio montre comment les conquérants ont su compenser leur infériorité numérique par la ruse, par des fausses promesses afin de rallier les nombreuses tribus, diviser pour régner, préfigurant les stratégies qu'adopteront les puissances coloniales quelques siècles plus tard.« Ce silence qui se referme sur l'une des grandes civilisations du monde, emportant sa parole, sa vérité, ses dieux et ses légendes, c'est aussi le commencement de l'histoire moderne. Au monde fantastique, magique et cruel des Aztèques, des Mayas, va succéder ce qu'on appelle la civilisation ; l'esclavage, l'or, l'exploitation des terres et des hommes, tout ce qui annonce l'ère industrielle. »« S'ils respectent les temples et les dieux des vaincus, les vainqueurs seront sauvés » disait Eschyle, dans Agamemnon. Pour n'avoir pas su le faire, la civilisation occidentale est encore malade de son crime, comme en témoigne la détresse de leurs poètes, Arthaud, DH Lawrence, Rilke et bien d'autres. Et on se met à imaginer ce que ce serait le monde d'aujourd'hui si l'extermination n'avait pas eu lieu. La révolution industrielle n'aurait jamais vu le jour, pas plus que la globalisation. Les européens, les africains, les moyens-orientaux, les asiatiques, personne ne produirait dans ses usines des gadgets à l'obsolescence programmée, personne ne consommerait du coca cola diet pour se prémunir contre l'obésité due à la consommation des junk food ; la pollution n'aurait pas envahi la planète et les espèces d'animaux et de plantes n'auraient pas disparu par centaines chaque jour. Merci, Monsieur Cortès.

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