Selasa, 04 Februari 2020

Les deux étendards

Category: Livres

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Pour situer le personnage de l 'auteur , lequel ne suscite pas d'emblée , il faut le dire , une forte sympathie : Rebatet s 'était signalé par son pamphlet " Les décombres " , paru en 1942 et gros succès d ' édition , mais aussi par sa participation active à " Je suis partout " . Rebatet se revendiquait et s'assumait comme écrivain et journaliste d'extrême droite , partisan de la collaboration avec le régime nazi et violemment antisémite mais également très hostile au système parlementaire de la III ° République .Les Décombres sont surtout lus par les historiens de la période , à présent , mais son Histoire de la musique , que je viens de lire , est tout à fait remarquable , sorte de chef d'oeuvre d'un mélomane très cultivé et sensible .Les Deux Etendards furent écrits lors de sa période d'incarcération , en France , de 1945 à 1952 .Rebatet a échappé de justesse au poteau .Ce roman colossal de 1300 pages ne doit pas effrayer , car il est rarement ennuyeux .Il faut signaler la sottise de l'éditeur qui résume , tout à fait scandaleusement , le récit en 4° de couverture !De même , le brochage de mon exemplaire de novembre 2016 était médiocre ...Ce roman est impressionnant de bien des manières .C'est , d'abord , un tour de force de susciter puis de maintenir l'intérêt du lecteur avec des débats philosophiques et théologiques intenses et de haut niveau , alors que notre époque est devenue rétive aux " romans d'idées " et encore bien plus aux discussions sur le christianisme , passé et présent ...C'est un exploit de rendre vivant et haletant , tel un suspense , un débat intellectuel sur la spiritualité , sur le conflit entre la foi et l'incroyance !De même , le projet d'un amour mystique entre Régis et Anne - Marie , tels des " amants de Dieu" , est totalement singulier voire incroyable pour notre époque , mais il est rendu plausible par la force de l'écriture de Rebatet et de son lyrisme .Je pense que la puissance du récit et des discussions est telle qu'elle pourra fasciner tant les lecteurs de tradition catholique ( dont je suis ) , pratiquants ou pas , mais aussi les lecteurs agnostiques ou athées , curieux de la confrontation des idées et représentations , sur un sujet capital .Et puis il y a ces deux splendides personnages , lumineux , de Régis ( souvent irritant ! ) et Anne - Marie , et puis ce Michel , si rayonnant de vitalité !La montée du sentiment amoureux chez Michel , puis de l'obsession amoureuse , est décrite sur des centaines de pages , avec un grand raffinement et une finesse parfois exceptionnelle .La descente dans la misère de Michel est traitée de façon poignante .Le personnage d'Anne-Marie est exceptionnel , car d'une très grande complexité .Le style de l'auteur est souvent excellent : riche , charnu , emporté , incisif , enflammé , très à l'aise dans la polémique et l'inv ective .Voici ce qui fait , selon moi , de ce texte une sorte de grandiose exception dans le paysage littéraire de la deuxième moitié du XX° siècle français .Mais voila , il y a aussi de nombreuses zones d'ombre et de graves déformations dans la vision de l'auteur qui rendent tout à fait impossible , pour moi en tout cas , une adhésion complète du lecteur à ce grand roman , hélas malade et malsain par bien des aspects .Il y a quelque chose de déséquilibré et raide dans la construction du récit , qui rend difficiles à admettre les revirements affectifs et spirituels complets , en fait des basculements très brutaux , de Michel et Anne - Marie , qui interviennent dans la deuxième moitié du roman .Mais ce qui m'a le plus gêné et mis mal à l'aise , c'est le regard trop souvent mauvais , méchant , hargneux , vindicatif de Rebatet sur ses frères humains : bien peu fraternel et compatissant , ce regard !Le pessimisme de l'auteur est total : Michel ne s'extirpe de la misère que par un acte profondément malhonnête .L'humanité est décrite le plus souvent avec un grand mépris : les prêtres catholiques sont horribles , tous ; les bourgeois sont ridicules et lamentables , tous ; les prolétaires sont effrayants et pitoyables ; Lyon est un cloaque ...Les mots injurieux et insultants pullulent .Un exemple : page 297 , il est question du " faciès sournoisement simiesque " d'un prêtre .Page 894 : un résumé de la philosophie de l'auteur : " (...) à l'instant de s'engager dans cette sentine qu'est la société humaine " ( !)Le vocabulaire raciste est bien présent et bien décomplexé . Ainsi , page 723 , je cite l'auteur : il nous parle de " tignasses crépues " , de " gueules bistrées " , de " bistrot à sidis " , de " Bicots " , de " macaques " ...La France de 1920 à 1927 est à peine évoquée , sur le plan politique , social , de même que la guerre de 14 , dont on sort à peine ...L'opposition entre Lyon ( sorte d'enfer sordide ) et Paris , la Ville des Lumières est développée à la hache ...Enfin , certains aspects du style posent problème : des pans entiers du roman sentent le vieillot voire la naphtaline , par les mots utilisés ; l'utilisation trop généreuse de l'argot fait terriblement vieillir bien des passages ...

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